"...Nous
étions moins de dix, rassemblés en ce matin glacial et neigeux de février dans
l’Église d’Ambillou.
Grelottants
autour du cercueil de Gilbert.
«
C’est un indigent » m’a dit l’employée des pompes funèbres, « ni amis
ni familles…il n’y aura personne ».
Nous
prenons le parti de lancer une bouteille à la mer sur la paroisse ; « Gilbert,
ne peut pas partir tout seul … il nous faut signifier une solidarité… venez
prier avec lui au moment de son départ et si vous ne le pouvez, priez pour lui
… »
Ce
n’est pas le froid qui m’a saisi, mais la composition de notre assemblée.
-
Une femme que je ne connais pas : « je
suis la tutrice de monsieur X ».
Quand
je lui demande sa motivation elle répond « c’est
notre éthique, quand nous accompagnons quelqu’un, nous le faisons jusqu’au bout ».
Je ne sais rien d’elle, est-elle chrétienne ?
Résonne
en moi cette parole de la messe « comme
IL (Jésus) avait aimé les siens qui étaient dans le monde, il les aima jusqu’au
bout… »
-
Des sœurs de Tours se sont donné comme mission, de porter chacune une paroisse
dans leur prière.
J’ai
adressé la "bouteille" à sœur Dominique qui porte sainte Katéri.
Quelle
ne fût pas ma surprise de voir deux sœurs arriver à l’Église « Sœur Dominique n’a pu se libérer, elle nous
a déléguées ».
Elles
avaient mille excuses, leur âge, la distance, la neige, ce ne sont pas leurs
affaires … Elles sont venues quand même.
-
Deux jours auparavant, une autre sépulture : la veuve est très entourée, on
s’est déplacé en nombre.
Je
suis touché par cette femme qui oscille entre l’immense chagrin de perdre celui
qu’elle aime et le bonheur de revoir ses amis venus de loin pour l’entourer.
Je
lui partage mon sentiment et, poussé intérieurement, je lui dis : « dans deux jours nous célébrons les funérailles d’un homme… ni famille,
ni amis …vous êtes très entourée … portez-le dans la prière… ». Avais-je
raison de dire cela ?
Sa
réponse est immédiate « c’est où ? Je
viendrais ! »
Le
lendemain, neige abondante. Au téléphone « désolée je ne peux me risquer vu la météo… »
Contre
toute attente, elle était là auprès de Gilbert. Elle avait toutes les excuses,
son deuil, répondre aux messages envoyés par ses proches, c’est trop tôt, c’est
trop loin …. Elle est venue.
-
Au fond de l’Église, en silence, un peu loin de tout le monde, un employé des
pompes funèbres. Ses collègues, au chaud dans le camion et lui, là dans le
froid.
Pourquoi
se tenir là au pied de ce mort ?
J’entends :
« Marie et Jean se tenaient, là, au
pied de la croix »
-
Un couple de paroissiens qui disent ne pas se sentir toujours accueillis, qui
vont souvent à la messe ailleurs que sur leur paroisse … Ils étaient là alors qu’on
ne se serait peut-être même pas aperçu de leur absence…
-
Un dernier couple enfin, humblement fidèle.
C’est
pour témoigner de cela que je suis prêtre.
Père
J.Whitaker.
Décidément,
la foi n’est la propriété de personne !..."
|