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La gentillesse, une force agissante, entre sollicitude et respect
Par VDA**********AIL le 12/04/2018 08:00:00:00, cet article a été lu 36314 fois.

Réfléchir … pour mieux agir

 

Extraits du petit livre d'Emmanuel Jaffelin* "Petit éloge de la gentillesse", François Bourin, Éditeur, 2011, pp.14 à 36.

*Professeur agrégé de philosophie et animateur d'un atelier à la prison de Sequedin, Nord.

 

(Les parties en italique sont des reprises intégrales du texte, celles en caractères romains des résumés des autres paragraphes. La mise en gras de certains mots est de ma seule responsabilité.    Bernard Sauveur.)

 

La gentillesse, vertu agissante, entre sollicitude et respect

 

Quelle évolution que celle du mot "gentil" à travers les âges : après le gentilis  romain (appartenant à la classe noble de la gens ), le gentil  des premiers siècles (impie non-chrétien à convertir), puis le gentilhomme  à la grande noblesse de cœur de l'époque classique avant d'être celui à décapiter sous la Terreur, l'homme gentil des temps modernes risque d'apparaître quelque peu affadi !

Et pourtant, en y réfléchissant un peu, "la conceptualisation de la gentillesse doit permettre de comprendre qu'elle n'exprime plus une noblesse de sang et de rang, mais qu'elle manifeste une noblesse d'élan ouvrant la voie d'un nouvel humanisme". …

[Toute] vertu n'est pas seulement une attitude, mais, ainsi que le précise le mot latin virtus,  une force. De ce genre de vertu est la gentillesse qui avance discrètement ses pions sur l'échiquier du monde. …

En quoi consiste-t-elle ? … Par quel genre d'actes suis-je gentil ? Réponse : par le serviceLa gentillesse est une servitude volontaire.… [Le] service rendu doit être non seulement gratuit et volontaire, mais pesé et soupesé. En effet, à vouloir être gentil, j'ai parfois la main trop lourde et je vais au-delà du service demandé : j'empiète sur l'intimité d'autrui. A l'inverse, je peux avoir peur de le froisser et je me tiens en deçà de ce qu'il attend de moi. Aussi convient-il de distinguer deux attitudes souvent confondues avec la gentillesse : la sollicitude  et le respect. .

La sollicitude  se préoccupe du bien-être des gens qui n'en formulent pas le besoin … Certains diront qu'elle est la base même de l'éducation [les parents prennent des décisions pour le bien de leurs enfants] mais elle peut, à l'extrême, déposséder de leur vie [ceux à qui elle s'adresse], telle Amélie Poulain, dans le film de J.P.Jeunet, qui se comporte comme une harpie s'acharnant à fabriquer le bonheur des gens à leur insu…. Sous couvert de bienveillance, … la sollicitude [peut devenir] une dictature à l'eau de rose … se révéler intrusive et forcer l'intimité d'autrui.

A l'autre bout de cette échelle altruiste se tient le respect. Encadré par des règlements, le respect m'interdit certaines attitudes qui pourraient nuire à autrui (exemple : fumer dans un espace public, parler fort à l'hôpital) … Si toutes ces règles protègent autrui de mon intrusion, elles ne m'invitent pas à m'ouvrir à lui … [On aboutit à] l'indifférence des rapports sociaux codifiés par des règlements.

Dans les deux cas je suis en dehors du périmètre de la gentillesse  … La sollicitude se situe au-delà … par son effort poisseux à vouloir rendre service… Quant au respect, il demeure en deçà … en raison de son désintérêt pour autrui. Au milieu, je rencontre la gentillesse qui ne s'enracine ni dans le moi, ni dans la règle, mais dans la demande qu'autrui m'adresse. La gentillesse a pour but de rendre service sur la base d'une sollicitation [qui n'est pas forcément verbale] et non de la sollicitude…. Je ne suis gentil que par une situation qui me permet de rendre un service…

J'ai représenté ces trois formes d'altruisme dans le tableau suivant :

 

 

Sollicitude

Gentillesse

Respect

Causes

Pulsion

Demande

Règle

Effets

Intrusion

Service

Indifférence